Pétillante,
ambitieuse et accro à la gagne, Nantenin Keita, athlète malvoyante
concourt depuis plus de douze ans dans la catégorie handisport.
Plusieurs fois titrée aux mondiaux, double médaillée des Jeux
Paralympiques de Pekin en 2008, la francilienne soutenue par Malkoff
Mederic, a décroché le bronze sur 100 Mètres aux derniers Jeux de
Londres (2012). Tendances Sport l'a rencontré. Entretien...
«
C'est l'envie de gagner et de regagner qui m'a donné cette
motivation pour être sportive de haut niveau »
Quel a été votre
parcours et comment vous est venu l'envie de devenir une sportive de
haut niveau ?
Tout a
commencé à l'école. J'étais dans un collège pour déficients
visuels et j'ai participé à une compétition, qui était organisée
une fois par an, pour tous les déficients visuels de France.
C'était une compétition avec une moyenne calculée sur trois
épreuves. La première année, j'ai fini deuxième et deux ans après,
j'ai remporté la compétition devant ma copine. Suite à cette
compétition, la Fédération Française Handisport m'a proposé de
faire un stage avec l'équipe de France. J'ai accepté ce stage car
pour moi je partais avec ma copine, une semaine en vacances, sauf que
ce n'était pas le cas. Je suis arrivée là-bas, je m'étais jamais
entraînée de ma vie et là il fallait s’entraîner deux fois par
jour pendant une semaine, donc ça a été très compliqué au
départ, mais voilà les choses se sont enchaînées comme ça petit
à petit.
Comment avez-vous eu
envie de devenir sportive de haut niveau ?
J'ai eu la
chance de participer aux championnats du monde en 2002. Avant
d'arriver à cette compétition là, vu qu'en France, j'avais gagné,
je pensais que ce serait facile.J'ai fini 5eme et ça m'a fait un
gros coup au moral...et là j'ai compris pourquoi il fallait
s’entraîner, donc j'ai commencé à m’entraîner petit à petit,
doucement une fois par semaine. En
fait, c'est l'envie de gagner et de regagner qui m'a donné cette
motivation pour être sportive de haut niveau
Comment organisez-vous
vos entraînements au quotidien ?
J'ai la
chance de travailler dans une entreprise Malakoff Mederic
qui me détache pour mes entraînements, donc elle me soutient
vraiment et ça me permet du coup d'aménager à maximum mes semaines
d’entraînement, en fonction des années. Cette année, par
exemple, ils m'ont détaché complètement pour pouvoir m’entraîner
à fond pour préparer les championnats du monde et les Jeux
Paralympiques. Je travaille deux demi-journées dans la semaine et le
reste du temps, je suis à l’entraînement.J'ai la chance de
pouvoir le faire parce qu'il y a beaucoup d’athlètes qui ne
peuvent se permettent de combiner la vie professionnelle et la vie de
sportif de haut niveau.
« L'envie
de pas décevoir mon entourage me fait tenir quand c'est dur »
Par apport à une
athlète valide, y'a t'il des difficultés supplémentaires ?
En fait, c'est plutôt
dans la perception des choses parce que quand on est dans un
apprentissage, on fait bien ce que l'on voit bien et moi par apport à
mon handicap visuel, j'ai du mal à voir ce qu'il faut faire donc du
coup j'ai besoin de plus me concentrer qu'une athlète valide. Ça se
manifeste aussi dans la fatigue visuelle, plus je vais courir vite,
plus je vais fatiguer et moins je vais voir. C'est donc plus de
risques de blessures et de déconcentration. sinon après les
problématiques vont être les mêmes qu'une sportive de haut niveau
valide, mais bon une fois qu'on a pallié son handicap et mis les
adaptations qu'il fallait, j'ai envie de dire que ça roule.
Qu'est-ce qui vous
motive chaque jour ?
L'envie de gagner. J'ai
un problème, c'est que je déteste perdre et en plus dans cette
aventure, même si je fais un sport individuel, j'ai quand même mon
entraîneur qui est derrière moi, je le vois plus
que ma famille et il est très investi. Du coup, je me donne à fond. L'envie de pas décevoir mon entourage me fait
tenir quand il fait froid et quand c'est dur.
Et qu'est ce qui vous
plaît le plus dans ce sport ?
Le dépassement de soi !
Une course n'est jamais gagnée d'avance. Tant que la ligne d'arrivée
n'est pas passée, la course n'est pas gagné. Une fois qu'on a
gagné, on se dit « Ah oui j'ai fait tout ça mais voilà le
résultat » et on est fier et heureux du résultat. J'aime aussi
courir vite car on a des sensations qui sont vraiment fortes.
« On
est des sportifs de haut niveau avec un handicap, nous ne sommes pas
des handicapés qui font du sport »
Que retenez-vous des
J.O de Londres auxquels vous avez obtenu le bronze ?
Ma médaille de bronze
parce que je revenais de loin. En 2009, j'avais fait une année
géniale, en 2010, je me blesse. En 2011, je vais aux championnats du
monde mais je suis blessée, je me fait opérée en juillet 2011, je
reprend les entraînements en janvier 2012, mais je me blesse de
nouveau en mars puis en avril et deux jours avant de partir aux Jeux,
j'ai mal à la cheville à ne plus pouvoir poser le pied.J'arrive
donc aux Jeux, boitante, autant dire que dans ce cas, on ne part pas
forcement dans un bon état d'esprit car les Jeux ça se prépare sur
quatre ans, moi je les ai préparé sur 7 mois. J'arrive donc
vraiment pas confiante du tout, je fais un 400 Mètres foireux et
vraiment c'est de ma faute pour le coup. Arrivée au 100 Mètres, pour ma
dernière course, je ne veut pas repartir des Jeux sans médaille.
Quand je fais ma médaille de bronze, je suis super contente surtout
que je ne savais pas si j'étais troisième ou quatrième en
franchissant la ligne d'arrivée.
De tous vos titres,
quel est celui qui vous a le plus marqué?
Cette
médaille de bronze à Londres m'a vraiment marqué car j'ai vraiment
été la chercher, c'est pas que les autres je n'ai pas été les
chercher mais cette médaille c'était tout ou rien parce que l'on ne
m'attendait pas sur 100 Mètres car je devais être médaillée sur
400 et pas sur 100 mètres. Ma médaille d'argent au Jeux de Pékin
était belle aussi parce que pareil je m'y attendais pas.
Et quel est au
contraire le pire souvenir de votre carrière ?
Ma contre-performance sur
400 mètres au Jeux parce que j'ai mal couru. Je ne m'en suis suis
pas rendue compte et au final je loupe une médaille bêtement.
J'aurais moins mal couru et j'aurai été moins déçue si j'avais
conçu ma course différemment.
Il y a deux ans, vous
parliez de faire le 400 Mètres Haies qu'en est il aujourd'hui ?
Je me suis blessée, j'ai
toujours envie de le faire mais ce sera pas avant les Jeux de Rio car
je veut rester focus. Après les J.O, ça pourrait être un nouveau
challenge pour me remettre dedans et avant d’arrêter ma carrière,
je veut faire un 400 mètres Haies.
« Cette médaille
de bronze à Londres m'a vraiment marqué [...]c'était tout ou rien
parce que l'on ne m'attendait pas sur 100 Mètres »
Comment décririez-vous
l'ambiance qui règne au sein de l'équipe de France ?
C'est bon enfant, on sait
pourquoi, on est là, on bosse. En dehors des entraînements, on
passe de bons moments ensemble et il faut car on part quand même
souvent ensemble. Par exemple quand c'est les Jeux ou les
championnats du Monde, c'est minimum 15 jours voir trois semaines et
il faut vraiment qu'il y ait une bonne ambiance car il y a du stress,
de la peur...Il y a un bon noyau et il y a des jeunes qui sont en
pleine progression et qui ramènent un peu de fraîcheur, donc c'est
vraiment sympa. Après comme dans toute communauté, il va y avoir
des prises de bec mais c'est bon et sain pour le groupe
Comment vous
projetez-vous pour les Jeux de Rio 2016 ?
Je suis une sportive de
haut niveau, je me respecte donc la réponse est évidente : on
s’entraîne tous pour être champion olympique !
Pour vous, de quelle
manière doit évoluer le regard sur les athlètes handisport ?
Simplement car on est des
athlètes de haut niveau à part entière. On
est des sportifs de haut niveau avec un handicap, nous ne sommes pas
des handicapés qui font du sport ! A partir du moment les gens
mettront le sportif de haut niveau avant le handicap, je pense qu'on
aura franchi un grand pallier. C’est vrai que nos compétitions ne
sont pas les mêmes, l'adversité n'est pas la même mais le travail
fourni et l'engagement est le même. Je constate que le regard évolue ces dernières années de manière positive, notamment grâce au Club des supporters Handisport, crée par MalaKoff Mederic en 2012 qui œuvre pour la médiatisation des athlètes handicapés et multiplie les actions auprès du grand public.Je vous invite d'ailleurs à liker leur page Facebook.
10 - En dehors de vos
entraînements, qu'aimez vous faire ?
Du shopping, être avec
mes copines et ne rien faire car on est tout le temps en train de
jongler entre le travail et l’entraînement et ne rien faire c'est
super bénéfique pour les entraînements d'après justement.
Interview réalisée
par Vanessa Saksik le 27 Novembre 2014
Malakoff
Mederic, partenaire du handisport
Malakoff
Mederic a crée le club des supporters handisport en 2012, à
l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques. Elle soutient
plusieurs athlètes paralympiques comme Nantenin Keita et son but
est de mettre en lumière les efforts des athlètes Handisport.